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1989

L’«AFFAIRE KLOETZLI»

On jouait le temps additionnel de la rencontre de LNA entre le FC Sion et le FC Wettingen, lorsque les Argoviens ont égalisé à Tourbillon. Mais Bruno Kloetzli avait sifflé la fin de la partie au moment précis où le ballon s’apprêtait à franchir la ligne. Quatre joueurs du FC Wettingen ont alors entrepris une véritable chasse à l’homme. Ils écoperont de lourdes suspensions.

Bruno Kloetzli était – est toujours - un chic type, apprécié au moment des faits par tout un bataillon de militaires en cours de répétition aux Rangiers, dans sa région, le Jura. Capitaine, adjudant de bataillon, Bruno Kloetzli était un passionné de football et, très rapidement, d’arbitrage. Ayant appris les principes de commandement à l’armée et dans son cursus professionnel bancaire, il dirigeait, sans trop de soucis, un match de championnat de la 14e journée de Ligue Nationale A, ce 7 octobre 1989, au stade de Tourbillon entre le FC Sion et le FC Wettingen. On jouait la 3e minute du temps additionnel, les Valaisans menaient 1-0 grâce à un but de Mirsad Baljic. C’est alors qu’a pris forme le «cas Kloetzli», l’affaire la plus discutée jusqu’à nos jours du football suisse.

Valaisans comme Argoviens savaient que le coup de sifflet était imminent, Le Sédunois Jean-Paul Brigger gagnait du temps et voulait sans doute botter au loin un coup franc, qui frappait cependant le dos de Salvatore Romano (Wettingen), la balle échouant à Martin Rueda. Avec la vista qui caractérisait l’ex-international (et futur entraîneur), Rueda lobait le portier sédunois Stephan Lehmann, sorti à sa rencontre, égalisant à 1 partout. L’arbitre, Bruno Kloetzli, regard braqué sur sa montre, n’avait sans doute pas vu que le coup franc était contrée et sifflait la fin du match, alors que le ballon allait franchir la ligne (revoyez la scène ici!).

Dès lors, les joueurs argoviens pétaient un plomb - s’il y a une circonstance, où l’expression n’est pas galvaudée, c’est bien celle-ci. La plupart des joueurs du FC Wettingen entamaient une course-poursuite impressionnante, une véritable chasse à l’homme. Leur directeur sportif, Fredy Strasser, tentait désespérément de les retenir. L’arbitre réussissait à se protéger, à se débattre et à se dégager dans une situation devenue irréelle, incontrôlable. Les Argoviens sont parvenus à lui assener moult coups de poings, de genou et de pied.

L’ASF, après examen approfondi des images TV, condamnait 4 joueurs du FC Wettingen: Martin Frei (8 mois de suspension), Reto Baumgartner (10 mois), l’ex-international Roger Kundert (4 mois); Alex Germann était le plus lourdement sanctionné (un an de suspension, 20'000 francs d’amende).

En tant que club, le FC Wettingen enregistrera comme un rachat son excellente performance en Coupe de L’UEFA, juste dix jours plus tard: le 17 octobre 1989, l‘équipe d’Udo Klug était à deux doigts de créer l’exploit en seizièmes de finale face au Napoli de Diego Maradona. Svensson dominait l’Argentin dans l’entrejeu, mais les Italiens obtenaient le 0-0 qu’ils étaient venus chercher au Letzigrund (13'000 spectateurs), l’Altenburg ne répondant pas aux critères d’une telle rencontre. Germann et Kundert figuraient (encore) dans le onze de départ (avec également Maurizio Jacobacci), Baumgartner sur le banc. Côté Naples, outre le «Pibe de oro», on trouvait Ferrara, Alemao, Careca. Au retour, Maradona était absent, mais Zola jouait et Wettingen menait à la pause à la stupéfaction du San Paolo sur un but de Brian Bertelsen.

dans la composition d’Alberto Bigon, qui réalisera le doublé coupe-championnat avec le FC Sion 8 ans plus tard (1996, puis février-décembre 2007, puis encore mars-juin 2008). En tout, Bigon était le technicien nos 7, 25 et 28 sur 70 noms au total – certains plusieurs fois, d’autres en couple ou même en trio (ou chacun est comptabilisé) - qui ont émaillé les deux périodes Constantin du club du chef-lieu du canton du Valais – 1992-97 et depuis 2003. On vous rappellera le nom du no 1: Jean-Paul Brigger en 1992, celui-là même, à l’origine, bien involontaire, de l’«affaire Kloetzli»…

QUE SONT DEVENUS LES JOUEURS – ET L‘ARBITRE?

Martin Frei (oncle d’Alex Frei), âgé de 30 ans au moment des faits, écrivait une lettre virulente à l’ASF, préférant mettre un terme immédiat à sa carrière sportive. Roger Kundert contractait une déchirure du ligament croisé au genou droit, sept semaines plus tard et, jamais remis de cette blessure, achevait sa carrière – qu’il avait commencée à moins de 17 ans au FC Zurich, sous «Tschik» Cajkovski – au printemps 1990. Reto Baumgartner jouait ensuite au FC Bâle, quatre années en LNB, avant de devenir professionnel de beach-soccer! Alex Germann était resté une année sans jouer au FC Wettingen, avant de se relancer. Mais, le transfert à Borussia Dortmund, en bonne voie à une époque, n’a jamais été concrétisé.

La carrière de Bruno Kloetzli était condamnée. Or, la seule chose qu’on aurait pu lui reprocher, c’est qu’il n’ait pas renoncé à arbitrer ce match, étant donné qu’il se trouvait au service militaire à cette époque et qu’il sortait d’un exercice de nuit avec son bataillon de fusiliers. Bruno Kloetzli finissait la saison en ligues inférieures, puis rangeait son sifflet définitivement. Très atteint dans sa probité et dans son moral, il avait peiné à se ressaisir. Employé de banque typique, jusque-là, sérieux et fiable, il a cherché du salut dans le jeu, finalement condamné avec sursis en1999 pour des faux dans les titres et abus de confiance.

Entretemps, il a retrouvé sa solidité et sa gouaille d’antan et s’est retiré dans le Jura. Vingt ans exactement après les faits, un journaliste a réuni les protagonistes de l'affaire. La soirée – en présence des femmes des joueurs et de celle de l’arbitre – a permis d’enterrer la hache de guerre. Le restaurateur de Crémines est aujourd’hui retraité (il a 69 ans en 2020).